Interview de Michel Vialatte, romancier et novelliste :
 
"L'écrivain participe à la prise de conscience collective que l'humanité est face à sa survie même"
 
Question : 
 
Michel Vialatte, l'été est-il une période propice pour vous à l'écriture ? 
 
Michel Vialatte : 
 
Pour qu'il le soit, encore faudrait-il qu'il apporte l'apaisement, qu'il offre un environnement de sérénité favorisant ce calme de l'esprit où naissent les histoires, où se pensent les personnages et les lieux qui structurent un roman ou des nouvelles. J'avoue que l'été 2022 ne s'y prête guère. Il est celui de la montée des inquiétudes et de la découverte, par des français sidérés, et pas seulement eux, car c'est une alerte mondiale, que nos vies peuvent demain, à horizon très proche, un horizon de quelques années seulement, devenir impossibles, faute d'eau. L'humanité commence à prendre conscience, de l'Iran où il fait 53 degrés aujourd'hui à l'Afrique du Sud, de Casablanca où l'eau sera bientôt rationnée peut-être à Seillans, dans le Var, où des camions-citernes approvisionnent les habitants, que le défi de l'eau est majeur. Qu'il y a une urgence vitale à trouver les solutions - mais lesquelles ? - qui éviteront à nos enfants des guerres de l'eau, des luttes fratricides pour la vie.
L'information en boucle sur ce triste sujet d'actualité est obsédante et angoissante pour beaucoup. Je la suis avec attention, d'abord parce que les questions de la ressource en eau sont au coeur de mon activité professionnelle (NDLR : Michel Vialatte a dirigé un grand syndicat interdépartemental du cycle de l'eau durant près de 5 ans et est un expert reconnu des politiques territoriales de l'eau), ensuite parce que, comme tout un chacun, en tant que père, je m'inquiète pour la vie future des miens. 
Depuis plusieurs mois, je travaille à un recueil de nouvelles, "Baraka et autres brèves histoires" dont le fil conducteur est, justement, le changement climatique et le stress hydrique, en ce qu'il transforme le mode de vie et les paysages. Mes personnages dont je raconte les destins bouleversés par le changement climatique, sont en quelque sorte des figures de proue d'un combat pour la vie, celui qui nous attend, à des degrés divers, dans les années et décennies à venir. 
"Baraka et autres brèves histoires" est presqu'achevé. Il sera publié d'ici la fin de l'année.
L'été 2022 m'a conforté dans la volonté d'achever ce travail d'écriture et, par la littérature et l'imaginaire, de participer à cette prise de conscience collective de ce que l'humanité est face à sa survie même. 
 
Question : 
 
Vous pensez donc qu'un auteur, qu'un écrivain, a vocation à participer aux combats de son temps ?  N'estimez-vous pas, au contraire, qu'il devrait offrir à ses lecteurs l'évasion par la lecture vers des horizons moins angoissants que ceux auxquels il fait face ?
 
Michel Vialatte : 
 
Pour ma part, je puise mes sources d'inspiration dans l'incroyable foisonnement d'actualités, d'événements, de faits sous le flot desquels nous sommes noyés autant que dans la passion que je mets à observer autour de moi les mille beautés et les mille drames humains, les mille  splendeurs et les mille désastres suscités par l'homme et qu'il nous est donnés, là où nous vivons, sur ces terres auxquelles nous sommes enracinés et que nous voyons resplendir et souffrir, de découvrir au fil de nos vies. 
C'est ce mélange-là, transformé par l'imaginaire mis en mouvement par l'écrivain qui fait le roman. Au fond, le plaisir d'écrire, pour moi, tient à cette alchimie de la transformation de faits bruts en récits qui, par le travail sur les mots et la réécriture du réel, conduisent le lecteur à s'incarner dans des personnages et des situations irréelles et romanesques mais en même temps si plausibles à ses yeux qu'il se laisse porter par eux.
 
Propos recueillis par Nizar Bsaïthi

 

Retour à l'accueil