La fièvre l'avait envahi quelques jours avant Noël. Une fièvre de cheval, une grippe tenace dont le virus avait vite gagné les bronches. 
Sous trois couvertures pourtant, il tremblait de froid et son sommeil était troublé par des hallucinations, où les satans remplaçaient les sapins, dans une forêt givrée qu'il traversait sans jamais en voir le bout, courant à perdre haleine, évitant d'être happé par ces monstres manifestement si désireux de sa perte. 
Trempé de sueur et la bouche totalement desséchée, hagard, il se réveillait en sursaut pour replonger bien vite dans un semi-coma où l'attendaient à nouveaux les satans : des gueules de l'autre monde, jeunes et vieux, l'un au visage parcheminé, le front recouvert de pansements, dont les longs doigts décharnés de quasi-squelette cherchaient à l'atteindre; ou l'autre, qu'il était sûr d'avoir croisé dans une autre vie, avec sa face émaciée de vautour, ses lunettes cerclées et sa voix de chanoine pontifiant, lui sussurant de venir.
Au petit matin, quand les premières lueurs de l'aube vinrent teindre d'aurore la campagne qui s'apercevait depuis sa fenêtre, il ouvrit enfin les yeux. Il vit au loin, dans ce patchwork verdoyant de prés et de bois, la sapinière des Hautes Brayes. Il y fixa son regard, la scruta, pour s'apaiser et se convaincre qu'il sortait bien d'un délire de fièvre...
 
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