2024 : l'instinct de survie surgira-t-il ?

J’ai connu un paysan pleurant devant ses vignes mortes de sécheresse. J’ai vu des enfants le regard vide, sans parents ni maison, emportés par un séisme. J’ai vu périr des arbres de soif et longé sur la route des oliveraies entières aux feuillages grillés. C'était en 2023. Je n’entends plus depuis des années déjà les Bufo Bufo Spinosus, ces crapauds géants croasser les nuits d’été, disparus avec ces zones humides qui étaient leur monde. Je vois des femmes ployer sous le poids de bidons remplis d’eau, qui se fait rare, marcher sur les chemins de plaine jusqu’à 5 kilomètres. J’ai vu cet hiver les plus hauts sommets de l’Atlas sans neige, pour la 1ère fois et, du hublot d’un avion, l’immensité des étendues roussies. Ici, l’odeur d’herbe mouillée et de terre humide après la pluie n’est plus qu’un souvenir. Dans les mosquées les prières s’élèvent, invoquant Allah de donner la pluie sur la Terre. La foi s’avive devant le désastre annoncé, que l’œuvre destructrice de l’homme a généré : car des puits se creusent encore, allant toujours plus profondément chercher les maigres filets d’eau que recèlent des nappes épuisées. Des cultures gourmandes en eau, généreusement irriguées d’une ressource bientôt tarie, illuminent toujours de verts intenses la campagne alentour.
Ainsi commence 2024. Et parce que l’Homme poursuit sa course vers l’inéluctable, à la reforestation massive, à la plantation d’espèces résistantes aux sécheresses, à la reconstitution d’îlots de fraicheur et des réserves souterraines d’eau, qui seraient enfin libérées de leur pillage, il privilégie la mobilisation de son ingéniosité, de son intelligence et de son génie industriel à chercher l’eau toujours plus loin. A dessaler l’océan, au risque d'en dégrader la biodiversité, à capter l’humidité des nuages, à forer les aquifères du Crétacé, du Paléocène, et de l’Eocène, ultimes gisements de grande profondeur, à relier les terres et les hommes assoiffés éloignés des rivages grâce à des centaines de kilomètres de canalisations et surpresseurs géants, travaux titanesques.
Teilhard de Chardin a écrit : “Quand pour la première fois, dans un vivant, l'instinct s'est aperçu au miroir de lui-même, c'est le Monde tout entier qui a fait un pas.”
L’instinct de survie de l’Humanité ne s'est pas encore aperçu au miroir d’elle-même…

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