Acheté ce week-end, sur un marché, un exemplaire de la première édition d' "Ouvert la nuit" de Paul MORAND.

La page de garde est arrachée, mais l'ouvrage lui-même est intact.

L'éditeur est la librairie Gallimard, dans la collection "SUCCÈS", dont 11 titres étaient déjà parus, lorsque fut publié "Ouvert la nuit".

L'une des premières phrases du livre, située dans l'avant-propos ( page 8 de l'édition de 1922 que je tiens en mains ), dans le dialogue entre Pierre et le narrateur, est l'une des plus belles de l'oeuvre de Morand, emblématique de ce sens aigu de la formule qui était le sien et de l'acuité du regard qu'il porte sur l'être humain comme de la pertinence de ses analyses psychologiques.

Je la cite souvent et c'est pourquoi j'avais hâte d'ajouter à ma bibliothèque cet exemplaire ancien d' "Ouvert la nuit" que j'ai payé, 0,50 cents d'euro...ce dimanche 3 septembre !

Voici cette citation :

"L'agrément des excès, c'est qu'on y laisse la mémoire, et, d'abord, la mémoire des excès."

Combien de fois ai-je vérifié cette formule en observant les hommes : je pense soudain par exemple à ce "gouverneur" non sans prestance, à l'allure, argentine et gominée, d'un Juan Péron qu'on aurait confiné à l'exercice de son pouvoir  au seul territoire d'une cité de province, finis terra en quelque sorte de ce leader minimo.

Frustré de s'y voir borné, il y faisait de l'excès verbal récurrent l'exutoire inconscient à cette frustration ( peut-être le fait-il encore...à moins qu'il ne s'agisse, dans mes souvenirs, que d'une sorte de rivages des Syrtes, mythique, à la Julien Gracq (1), qui n'aurait pas d'existence réelle et que je n'aurais vécu que dans un sommeil troublé ?).


Ainsi trouvait-il parfois, ce Péron des confins presque attachant, le retentissement médiatique qu'il espérait offrir à son action au-delà des limites de son aire, mais limité au seul effet de souffle de ses déclarations excessives.

Excès dont la mémoire l'abandonnait aussitôt, Morand a raison, et avec elle, cette autre mémoire, moins superficielle, de réalités plus profondes dont il devenait soudain ignorant  ou qu'il niait.

Souvent me vient à l'esprit l'envie d'écrire une nouvelle qui décrirait ce personnage un rien suranné, grand amateur du panache (qu'il mimait d'ailleurs avec conviction), comme d'autres sont amateurs de Havane... et qui aurait trop lu Jean Raspail.

il vit en effet dans mon imagination et qu'est-ce que l'imagination, sinon la réécriture du souvenir de vies antérieures ?

Peut-être trouverai-je le temps de m'y mettre un jour prochain, avant que la mémoire des excès qui fait parfois les bons romans ( voyez Garcia Marquez )  ne me quitte à mon tour !

(1) Il faut lire ou relire ce chef d'oeuvre publié aux éditions josé Corti : http://www.jose-corti.fr/titresfrancais/rivage-des-syrtes.html






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