Et puis vint l’orage ce 9 avril. En milieu d’après-midi, annoncé par un vent d’Est puissant et des nuages noirs sur l’horizon de la plaine ; de ces orages de printemps, ces orages secs, bruissant de nombreux coups de tonnerre, aux éclairs zébrant le ciel tandis que la  campagne semble plongée dans une obscurité précoce, mais sans pluie ou presque, quelques gouttes tombant çà et là au sol, lourdement. 
Les passants hâtèrent néanmoins le pas. Les temps d’orage, ici, incitent à regagner les maisons, parce qu’une pointe de crainte vous gagne, celle de la foudre redoutée, s’abattant soudain à deux pas de vous, sur un arbre. On les voit parfois à travers la campagne, ces vieux troncs fendus et ces hautes branches fracassées, ces vieux cyprès étêtés, témoins de la violence des coups de foudre.
Les chats gagnent les haies, les seuils de portes, des coins de fenêtre poussiéreux et les chevaux deviennent nerveux, sous les harnais. 
Sur le chemin qui mène à Aïn Neffad, les gens se pressèrent. Femmes marchant sur ses bords, les enfants tenus dans leur dos par un linge ; attelages improbables, de mulets tirant des carrioles chargées de fourrage, de caisses de fruits récoltés ou de bottes de menthe fraîchement cueillie ; scooters et bicyclettes zigzaguant entre eux : chacun fut sur le retour, à son rythme, quelques vieillards s’appuyant sur leur canne de fortune, fermant cette sorte de marche. 
Bientôt ne resteront dehors que les chiens jaunes et galeux, au destin d’éternels errants chassés par les pierres qu’au moins, sous l’orage annoncé, ils ne recevront plus, les hommes ayant regagné les douars.

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