L'homme ivre de savoir, d'informations, de connaissances nouvelles semble lui-même aujourd'hui dépassé, fût-il le plus vif, le plus brillant, mû par un tropisme d' encyclopédiste.

 Tout concourt à son immersion, à son asphyxie, submergé qu'il est par le flot d'images, de textes diffusés par des supports toujours plus nombreux : les gratuits, le Web, les téléphones portables, les vagues successives de livres édités à la hâte, les émissions de télé et de radio accessibles par centaines sur un même appareil grâce au satellite, les vidéos amateur ou pirates, les photothèques en ligne, etc.

Je me voulais l'un de ces hommes-là, il y a peu d'années encore, tentant de surnager, de happer, comme un lézard vorace cent insectes, brèves et tribunes libres, idées et découvertes sur les ondes comme à travers les pages, accumulant documents et photos sur le monde comme sur mes entourages.

Puis la lassitude m'a saisi, envahi que je fus à la fois par le sentiment d'être définitivement dépassé par cette vague géante, tsunamique, incessamment renouvelée et celui d'être confronté à la fuite du temps qui incite à trier, à fermer les écoutilles et éviter ainsi la submersion pour se consacrer exclusivement au petit nombre de passions humaines qu'un être est en mesure, misérablement en mesure, d'assumer pleinement avant que le grand sommeil ne le gagne...

"Un pas vers le moins est un pas vers le mieux"

a écrit Nicolas BOUVIER dans "Le poisson-scorpion".


Mes jeunes fils, qui me liront un jour peut-être, me feront-ils le reproche de n'avoir su les mitrailler de flashs d'un appareil numérique que tout un chacun - sauf moi ! - emporte avec lui à tout instant ni d'avoir réalisé mille photos d'eux dans toutes les poses de leur vie d'enfant qui firent et font les joies des parents, comme je le vis faire affectueusement en cette récente période de fêtes par des proches, étoffant leur photothèque numérique d'un flot de belles images nouvelles ?

J'ai pour ma part plutôt privilégié les notes discrètement déposées dans quelque cahier ou journal où je consigne mes portraits d'eux et tant de récits de leurs jours ordinaires ,qui sont pour moi des jours magiques...

Je fixe aussi, sur ce blog, qui est mon papier argentique à moi, les souvenirs qui me sont chers; j'y fais ressurgir des personnages disparus, affectionnés, regrettés, à l'image de Paul Séramy, ces dernières semaines.

Je suis évidemment incroyablement, insolemment suranné, masquant mal ce décalage quelque part incongru par rapport aux usages des temps médiatiques que nous vivons désormais, avec les mises en ligne régulières de mon Weblog, lequel n'est au fond que l'habillage "internautique" de réflexions, pensées, et idées à la formulation d'un "autre âge"...

...cet âge-là, dont je suis si nostalgique, l'âge de l'écrit mûri et peaufiné qu'Internet est peut-être en passe de faire revivre, notamment via les blogs, s'ils ne s'essoufflent...

Je l'appelle en tous cas de mes voeux, en ces premiers jours de 2007.
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